Le Sentier Transcanadien de Jacqueline : l’appel de la forêt en hiver

par Jacqueline L. Scott, traduit de l’anglais
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Dans l’hiver de ma vie, j’ai pris la direction des bois. La neige craque sous mes pas, des glaçons pendaient aux arbres. Mes amis du club de plein air et moi, un groupe de sept personnes, avons glissé sur les pistes de ski de fond du Stokely Creek Lodge, au nord de Sault Ste. Marie. La lumière du soleil l’a emporté sur l’ombre.
Deux cerfs de Virginie se promenaient tranquillement, refusant même de faire une pause. Ils nous ont jeté un coup d’œil à la fois puissant et dédaigneux, comme pour dire : « Si vous êtes à la recherche d’un renne, vous n’êtes pas au bon endroit. Ils ne vivent pas ici. C’est nous qui vivons ici, et nous ne tirons pas de traîneau ».
Accueillir le froid
Le sentier descendait en courbe vers le ruisseau, figé à la surface par l’étreinte de l’hiver. Nous avons écouté quelques instants alors que l’eau chantait sous la couverture froide et cristalline. Il y avait un battement d’ailes dans les arbres, et un couple de cardinaux s’élança, révélant leur éclat rougeoyant. Nous avons continué à skier, passant là où le Sentier Transcanadien rejoint le sentier du Voyageur.
Nous devrions faire demi-tour, pensai-je, plus d’une heure plus tard. Mon nez et mes lèvres tremblaient de froid, mon souffle flottait dans l’air. Mais nous avons tout de même poursuivi notre chemin dans la nature sauvage, mes skis effleurant la neige.
Descente, remontée, descente, pendant encore deux heures, et puis dans le virage où le sentier bifurque. Aller à gauche ou à droite n’avait pas d’importance, car les deux nous ramenaient à la maison. De retour au foyer, au dîner et aux rires dans la cabane chauffée.
Des ornithologues et des commerçants de fourrures en hiver
Nous faisions notre voyage d’hiver bisannuel à Sault Ste. Marie. Après huit heures de route depuis Ottawa, nous sommes arrivés dans cette ville du nord de l’Ontario. Le lendemain, j’ai fait une pause de ski de fond. En me joignant à un autre ornithologue, nous avons passé la journée au centre-ville, le long de la rivière St. Mary. Des radeaux de centaines d’oiseaux, des canards colverts, des bernaches du Canada et des harles couronnés, dérivaient parmi les blocs et les plaques de glace dans l’eau. Nous avons échangé des histoires avec les autres ornithologues qui se promenaient avec des jumelles par une journée glaciale. Les heures ont fondu à mesure que nous étions séduits par le monde du vol et des plumes.
Nous nous sommes promenés devant les écluses de Soo et la Galerie d’art d’Algoma, qui suivent le tronçon de la ville de Sault Ste. Marie du Sentier Transcanadien. J’ai pensé à Jean et Marie Jeanne Bonga et leur famille. Ils étaient des commerçants de fourrure dans la région de Sault Ste. Marie, au milieu des années 1700, des deux côtés de la frontière canado-américaine. Le comté de Bungo au Minnesota porte le nom de la famille. Les Bonga n’étaient pas les seuls Canadiens noirs ou les Afro-Autochtones dans le commerce des fourrures. De Montréal au Manitoba, la famille a parcouru cette vaste terre en canot l’été et en raquettes l’hiver.
Nous avons ensuite fait demi-tour dans l’autre sens, vers le site de l’ancien pensionnat indien de Shingwauk, qui est maintenant un lieu historique national du Canada. L’école a ouvert en 1873. Cent ans d’histoires scolaires y sont enfouis.
Sault Ste. Marie est un lieu de rassemblement pour les nations autochtones autour des Grands Lacs. Son nom ancien est Batwating, qui signifie « le lieu des rapides ». Nous avons vu ces rapides près des écluses de Soo.
Des rêves de neige
De la neige fraîche a recouvert la terre durant la nuit. Le lendemain, de retour sur les sentiers à Stokely Creek, nous étions une douzaine à emprunter le sentier de raquettes au point de vue de la montagne King. À mi-chemin, le groupe s’est divisé en deux. En soufflant, j’ai suivi ceux qui redescendaient lentement en serpentant, aux chutes Beaver et à l’étang dans la vallée. La vue au sommet de la montagne devra attendre un autre jour, ou une autre saison. La température montait sous le soleil radieux, rendant la neige molle et collante. C’était beau à voir, mais n’était pas l’idéal pour faire de la raquette.
Dans le ravin, des amas de neige s’accrochaient en touffes aux branches, rappelant de la ouate. De la neige tombait sur notre tête lorsque nous frôlions les cèdres et les pins. Ils sont les arbres de la vie, toujours persistants même en saison de glace et de neige. Leur odeur m’a fait rêver d’aventures dans la neige. Nous avons passé des chutes glacées et des grottes de glace qui ne demandaient qu’à être explorées. Même après être tombée trois fois, une fois par rêverie, et deux fois par fatigue, je n’arrivais pas à contenir ma joie d’être dehors, dans l’air frais et la neige toute fraîche.
L’hiver m’appelle. Car, là aussi, je suis chez moi.
Jacqueline L. Scott est une chercheuse, écrivaine et activiste pour la race et la nature. Elle a obtenu son doctorat à l’Université de Toronto. Sa thèse s’intitule Black outdoors: The perception of the wilderness in the Canadian imagination (Les personnes noires et le plein air : la perception de la nature sauvage dans l’imaginaire canadien). Suivez-la sur son blogue et sur Instagram @Blackoutdoors1.
Toutes les photos sont de Jacqueline L. Scott.