1 avril, 2019

Un calme bienvenu: randonnée à vélo de Sault-Sainte-Marie à Iron Bridge

Texte par Chris Lee

Parce que nous manquions de temps pour parcourir Le Grand Sentier du Canada sur toute sa distance d’un bout à l’autre du pays, nous avons décidé, entre la frontière ontarienne et Sault-Sainte-Marie, de quitter le Sentier pour rouler plutôt sur l’autoroute transcanadienne.

Cette autoroute était achalandée. Chaque jour, une centaine de camions nous dépassaient en vrombissant. Certains d’entre eux nous accordaient un corridor de quelques mètres de largeur, mais la plupart avaient peine à laisser un espace entre nous et leur mur de métal de 40 tonnes.

Au bout d’un moment, on a fini par s’habituer à leur proximité et à leur vacarme. On n’avait pas vraiment le choix; sans ça, il aurait été impossible de pédaler sur près de 1 500 kilomètres d’autoroute consécutifs.

Puis, l’occasion est à nouveau venue de s’ouvrir à nos sens quand nous avons regagné un sentier calme et sans circulation motorisée, exigeant elle aussi une adaptation. Tout juste passé Sault-Sainte-Marie, nous sommes revenus sur Le Grand Sentier – heureusement bien plus calme que l’autoroute.

La section du Grand Sentier qui se trouve entre French Bay et Iron Bridge nous a offert un calme bienfaisant. Quand les routes se font plus tranquilles et que la circulation s’efface, on profite davantage du paysage; l’attention que l’on devait consacrer aux camions et à la circulation motorisée peut alors se porter sur les splendeurs du Canada.

Et de la splendeur, il y en avait partout autour.

Dans le livre d’or d’une boutique de cyclisme, j’ai lu que «l’Ontario devrait être une province des Prairies». Les kilomètres que nous avions parcourus appuyaient fermement cette affirmation. Sur Government Road, des champs plats s’étendaient vers l’horizon dans toutes les directions, rappelant la Saskatchewan et les régions de l’est de l’Alberta. Çà et là, des fermes agrémentées d’arbres ponctuaient les terres agricoles, et seuls quelques affleurements rocheux du Bouclier canadien sont venus nous rappeler que nous nous trouvions bien en Ontario, et pas dans les Prairies.

Chris et son camarade de cyclisme Kristian fêtent un jalou dans les prairies.

 

Ici, rouler côte à côte en conversant s’est de nombreuses fois révélé confortable plutôt que risqué. Le cyclisme est devenu plus agréable et moins utilitaire, se dissociant du moyen de transport qui nous menait du point A au point B. À mesure que nous roulions, le soleil descendait dans le ciel et, ce faisant, l’horizon qu’il illuminait se faisait de moins en moins plat. Les champs se sont transformés en collines pour nous offrir un changement de rythme entre des rangées d’arbres.

Les raisons sont nombreuses pour que cette section du Grand Sentier figure sur ma liste personnelle des «Sections exceptionnellement magnifiques» que j’ai élaborée en traversant le pays. Quatre de mes quinze choix se situent par ailleurs sur le Sentier – ce qui constitue un excellent ratio, considérant que seulement 300 des 7 250 kilomètres que nous avons parcourus entre Vancouver et Saint John font partie du Sentier.

Plus tard, en roulant vers l’est à partir de notre campement près de Desbarats, une surprenante procession a croisé notre chemin. Des chevaux noirs tiraient des charrettes à roues de bois, et chacune était flanquée d’un triangle fluorescent qui soulignait encore davantage l’anachronisme de cette vision. Capuches et chapeaux couvraient les têtes des passagers, et on pouvait compter autant de barbes que d’hommes; il s’agissait de mennonites du vieil ordre – que l’on méprend régulièrement pour des amish – qui se rendaient à un service funèbre.

Après quelques kilomètres, la congrégation a bifurqué vers la droite à une intersection, et nous avons poursuivi notre chemin. Au moment où nos routes se sont séparées, je me suis retourné pour jeter un coup d’œil: une mer noire – de chevaux, d’humains, de bois – avait envahi le parvis d’une église. C’était peut-être là le spectacle le plus surréaliste et le plus inattendu qu’il m’a été donné de voir au cours de toute l’expédition. Une fenêtre ouverte sur un passé lointain, transplantée dans le présent.

 

La vue du camping de Chris à St. John’s, Terre-Neuve.

 

Mon passage sur Le Grand Sentier m’a laissé une bonne impression. Chaque kilomètre témoignait de sa mission «d’approfondir les patrimoines historique, culturel et naturel du Canada». La fierté et les soins qui ont été investis dans l’aménagement de cette route sautaient aux yeux, une route qui nous a permis de passer d’une périlleuse autoroute à des chemins de campagne paisibles et révélateurs.

Même si je n’ai pas parcouru la totalité du Grand Sentier – loin de là –, j’aime bien l’idée de pouvoir le faire un jour. Ce sont des contraintes de temps et de type de pneus qui nous en ont empêchés; pas une aversion du Sentier lui-même.

Le Sentier laisse au Canada un héritage dont il peut être fier. Et la promesse d’amélioration et d’investissement continus me fait penser que j’y reviendrai certainement.

 

Chris Lee vit en Angleterre, où il est auteur et graphiste numérique. En 2018, il a entamé une incroyable aventure à vélo qui l’a mené de Vancouver, Colombie-Britannique, à Saint John, Terre-Neuve, et qui comprenait des sections du Grand Sentier. Chris projette de publier, au cours de l’été 2019, un recueil à propos de ses expériences au Canada. Pour en savoir plus, inscrivez-vous à sa liste d’envoi.