15 août, 2023

Le Sentier Transcanadien de Bonnie : changement de vitesse

A tent and a bike on the grass in front of an older house with a sunset in the background

Quand je pense au chapitre du « pied cassé » de ma marche transcanadienne, la citation de Robert Burns « Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas » me vient à l’esprit. 

Terre-Neuve représentait la première partie de ma deuxième étape tant attendue de ma marche à travers le Canada (pour plus d’informations sur la première étape, de la Colombie-Britannique à l’Ontario, consultez cet article de ma série sur le Sentier Transcanadien). Mon esprit, mon corps et mes 13 boîtes de ravitaillement préemballées étaient prêts! Et je savais exactement dans quoi je m’embarquais… du moins, c’est ce que je pensais. 

Les meilleurs plans… et un pied cassé

randonnée avec un pied cassé

Mais il arrive souvent que les meilleurs plans des randonneurs et randonneuses les plus expérimenté·e·s tombent à l’eau, et les changements de vitesse — parfois au sens propre du terme — font partie intégrante de la vie sur les sentiers.

Terre-Neuve — quelle que soit la façon dont on l’aborde — n’est pas faite pour les âmes sensibles! Le temps est maussade, la province est étonnamment plus grande que ce que l’on croit et les conditions sur l’ancienne voie ferrée transformée en sentier sont souvent éprouvantes pour les randonneurs·euses. « Si je marchais sur ce sentier tous les jours, je serais anéanti », répétait sans cesse un certain Harry incrédule. J’ai ri et mis une plume imaginaire dans mon chapeau, sans savoir que dans quelques jours, je vivrais ma propre version de cette expérience.

Alors, comment c’est arrivé? Difficile à dire. Dans cette partie du pays, la chaussée du sentier est constituée de roches épaisses adaptées aux rails, qui ont été remblayées de façon minimaliste avec des matériaux plus fins adaptés aux pieds. Peut-être que c’était à cause du ruissellement printanier exceptionnellement violent qui avait laissé des douzaines d’effondrements épiques dans son sillage, dont beaucoup avec des chutes de trois mètres ou plus entre l’assiette surélevée des rails et les ruisseaux en contrebas. Peut-être que c’était à cause de l’effort continu vécu sur les quelque 800 kilomètres parcourus à travers la province surnommée à juste titre « The Rock » (le Rocher). Ou peut-être que c’était à cause de mon habitude, chaque nuit, de courir les derniers kilomètres pour créer un peu de vent en essayant d’empêcher les moustiques et les mouches noires de me suivre dans un nuage noir et grouillant.

Accepter une nouvelle réalité

Quoi qu’il en soit, je devais me rendre à l’évidence. Je n’irais pas loin en essayant, comme je le fais souvent en randonnée, de résister à la douleur. Il m’était très difficile d’accepter ma nouvelle, et triste, réalité — à 30 kilomètres de la fin de ma traversée de Terre-Neuve. J’avais chaud, je transpirais, j’étais déshydraté.e et c’est ainsi que je me suis effondré.e en larmes sur le bord du sentier, sachant que mon rêve n’était pas réalisable. Je ne pouvais pas terminer cette marche avant de me rendre, avec beaucoup de difficulté, jusqu’à l’autoroute la plus proche pour aller à l’hôpital de Port-aux-Basques, sur le pouce.

Changer mon état d’esprit, changer mes attentes, changer mon plan de route

Bonnie Thornbury sourit en marchant le long du Sentier transcanadien

En attendant que mon pied se guérisse, il fallait penser changement : changement d’état d’esprit, changement d’attentes, changement d’objectifs et finalement, changement de moyen de transport sur les sentiers, maintenant à deux roues. Ma date de retour sur le Sentier était en constante évolution. Je recalculais sans cesse les objectifs de la marche en conséquence : « Si je guéris en un temps record, si je fais un détour par ici, si je saute ce détour, si je pousse par ici et si je passe par là, je peux rentrer à la maison comme prévu/avec quelques ajustements/avant la fin du mois d’octobre, en faisant un gros effort/avant la mi-novembre, même si les conditions hivernales risquent d’être un peu plus difficiles. »

Mais c’était inutile de précipiter la guérison. Quatre semaines se sont écoulées et mon pied sensible était toujours gonflé et sujet à de grosses douleurs pendant mes courtes promenades. Le désespoir commençait à frapper à la porte lorsque Kathleen, un ange du sentier et une ergothérapeute, m’a suggéré d’essayer le vélo.

Le vélo! Voilà une nouvelle perspective intéressante! Lors de ma première marche, on m’a souvent demandé : « Pourquoi pas faire ça à vélo? ».
Dans l’un de mes premiers articles de blogue, j’ai écrit : Ce n’est pas mon style, je ne suis pas aussi agile, c’est trop de travail et ce n’est pas aussi fiable que mes deux pieds. Et puis, je suis plutôt du genre à m’arrêter pour photographier des brins d’herbe, à sentir la sève, à lire un panneau, à sentir l’écorce et à examiner les excréments! Quatre kilomètres de l’heure est un bon rythme pour tout absorber.

Mais il n’y a rien de tel qu’un changement de circonstances pour changer de cap! Après quelques sorties d’une journée et d’une nuit à vélo, avec ma botte de marche au pied et mon sac sur le dos, j’étais de nouveau sur la bonne voie.

La pratique du vélo a engendré toutes les craintes que j’avais imaginées. En effet, je craignais qu’on me vole le vélo prêté ou mon équipement lorsque je me rendais dans un magasin pour me réapprovisionner en nourriture ou pour visiter les attractions locales; de le laisser à l’extérieur de ma tente pendant la nuit, exposé aux intempéries; de crever un pneu ou de casser le vélo d’une manière ou d’une autre, en particulier sur les terrains les plus accidentés. Mais, à ma grande surprise, le vélo a aussi des avantages!

Voici quelques leçons que j’ai apprises en changeant de vitesse : 

un vélo appuyé contre une table de pique-nique sous un bois

Le Sentier est toujours là pour nous aider! Même lorsque les choses allaient de travers avec mon pied cassé, j’ai continué à croire que la magie du Sentier me permettrait de m’en sortir. J’ai eu la chance de rencontrer des anges du sentier comme Walt, Chloe et James qui m’ont gentiment proposé de me conduire dans la période suivant immédiatement ma fracture, et des professionnels de la santé comme Kathleen et Kaitlyn qui m’ont aidé.e à me remettre sur pied physiquement (cliquez pour lire certaines de mes autres expériences avec la magie des sentiers et les anges du sentier sur le Sentier Transcanadien). 

Les vélos sont plus résistants que je ne le pensais! J’ai enfourché un vélo hybride conçu pour la route et le tout-terrain, que j’ai mis à l’épreuve sur un vieux chemin forestier montagneux doté d’une chaussée en granit rugueux, et à ma grande surprise, le vélo a tenu le coup.  

La marche reste mon mode de transport préféré, mais j’avoue que le vélo est rapide : je pédalais 50 kilomètres en quelques heures, ce qui me laissait le temps de m’étirer, de me reposer et d’admirer les environs. À pied, avec mon sac à dos, 50 kilomètres représenteraient pour moi au moins 14 heures de marche, et ma moyenne est d’environ 30 kilomètres par jour! Tout ça pour dire que parfois, c’est bon de changer de vitesse! 

Comparés aux sentiers forestiers, les chemins de traverse et les sentiers de gravier dur peuvent être difficiles pour le corps, surtout pour les longues marches. Mais quel bonheur que de circuler à vélo sur ce type de sentiers! Traverser la campagne, les marais salants et les sentiers ferroviaires à vélo, les cheveux dans le vent, m’a comblé.e de joie. Ce mode de transport m’a procuré des sensations très différentes de la marche à pied. 

Le Sentier Transcanadien, sous toutes ses formes, a vraiment quelque chose à offrir à chacun, et le fait de changer de mode de transport peut vraiment changer toute l’expérience qu’on en fait! 

 

Vous voulez en apprendre davantage? Gardez un œil sur cette page pendant les mois à venir alors que je partagerai des moments forts, des conseils de sécurité, la magie des sentiers et l’expérience d’affronter le Sentier à vélo après s’être brisé le pied! Vous pouvez suivre mes histoires sur Instagram (@bonnbury, en anglais seulement) et mon journal photo du Sentier sur mon blogue (bonnvoyages.ca)Au plaisir de vous voir dehors!