30 janvier, 2020

Judith Kasiama nous parle de diversité et d’apaisement en plein air

Ma première randonnée au Canada a eu lieu dans le parc provincial de Joffre Lakes. C’est un trajet facile si on le compare à plusieurs des sentiers de Colombie-Britannique, mais c’était tout de même à couper le souffle; j’étais entourée d’immenses montagnes qui se reflétaient dans de magnifiques lacs turquoise plus bas. J’avais l’impression d’être entrée dans une photo de National Geographic. Mais à mesure que je m’imprégnais de toute cette beauté, une sombre vérité me frappait: bien que cet endroit se trouvait tout près d’où j’habitais, la majorité des gens que je connaissais n’avaient pas de voiture pour s’y rendre. Et certains d’entre eux ne s’y seraient même pas sentis à l’aise

J’ai emménagé en Colombie-Britannique pour mes études, mais j’y suis restée pour les montagnes. J’ai toujours ressenti une profonde connexion avec la nature, ce que ma famille a encouragé dès mon enfance alors que j’étais en République démocratique du Congo. J’ai quitté la RDC très jeune et, depuis, j’ai toujours habité des régions urbaines. Maintenant que je demeurais et que j’étudiais à Vancouver (et que j’avais enfin ma propre voiture!), je pouvais renouer avec la nature beaucoup plus facilement.

 

Partager l’extérieur avec tout le monde

Après cette première randonnée en Colombie-Britannique, j’ai eu très envie de partager le grand air canadien avec tout le monde – en particulier avec les nouveaux arrivants au Canada. Mais à mesure que je leur parlais, je réalisais que plusieurs d’entre eux n’avaient pas les moyens de s’offrir une voiture. D’autres se sentaient intimidés par l’exploration en plein air, une activité qui a surtout été présentée comme «blanche» pendant des années.

En 2016, j’ai donc publié dans l’un des groupes Facebook de la communauté noire de Vancouver pour inviter les gens à venir en randonnée avec moi. Cette publication a suscité beaucoup d’intérêt et, de façon générale, de plus en plus de gens ont commencé à participer à nos sorties. À mesure que notre groupe s’est agrandi, de plus en plus de propriétaires de voitures se sont joints à nous et ont pu participer au transport pour permettre à un plus grand nombre de venir explorer la nature. C’était formidable de voir cette nouvelle communauté s’élargir.

 

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Changer la perception des amateurs de plein air

Même si notre communauté de randonneurs diversifiés avait le vent dans les voiles, je ne notais toujours pas d’évolution dans la représentation publique des activités en plein air. Chaque fois que mes amis et moi nous rendions dans une boutique MEC, nous constations que les publicités revenaient toujours au même cliché: des familles blanches en randonnée, des familles blanches en camping. Ces campagnes suggéraient que les activités en plein air étaient réservées à un seul type de personnes.

On ne voyait jamais de diversité dans ces campagnes – qui auraient pu représenter une variété de races, d’ethnies ou de silhouettes. Cette absence envoyait un message; un message qui nous faisait sentir indésirables, ou à tout le moins inattendus, en nature. Malheureusement, il n’est pas rare que quelqu’un ait l’impression de devoir aller s’entraîner au gym pour avoir «un corps parfait» pour aller en randonnée, ou encore, que des membres de la communauté LGBTQ2SIA+ ne se sentent pas les bienvenus dans le monde du plein air.

En même temps, plus j’approfondissais mon expérience du plein air canadien, plus je réalisais à quel point l’ensemble des amateurs de plein air était diversifié. Il y a des gens de couleur qui font de la randonnée, du camping ou du ski, mais pour une raison qui m’échappe, personne ne parle d’eux. Quand je m’entraînais pour les courses l’an dernier, je partais courir et je croisais de nombreuses grand-mères chinoises qui sortaient marcher tous les jours à 6 h. Mais on ne parle pas de ces gens-là.

 

 

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de lancer un défi à MEC, ainsi qu’à d’autres entreprises, à propos de leurs publicités. Depuis, j’ai travaillé étroitement avec MEC à titre d’ambassadrice en plein air pour aider à assurer une représentation dans leur marketing.

En travaillant avec MEC, j’ai constaté que de nombreux autres organismes souhaitent eux aussi voir davantage de diversité. C’est encourageant de voir que ceux-ci souhaitent mettre en lumière tous les types de gens, même s’ils se demandent parfois comment s’y prendre pour éviter les stéréotypes. Évidemment, ces organismes ne veulent pas approcher quelqu’un en lui disant: «On veut t’embaucher parce que tu es Noir»!

J’y ai beaucoup réfléchi, et j’ai fini par mettre sur pied MESIS, une agence qui représente des athlètes de couleur pour faire le lien entre eux et des détaillants de plein air, l’industrie du cinéma et d’autres organisations. Nous voulons montrer aux gens de la jeune génération que leur contribution ne se limite pas au cliché qui associe certains sports aux personnes de couleur, et qu’ils ont leur place dans d’autres sports, comme le ski, le patinage artistique ou la natation.

L’apaisement du plein air

Parce que je travaille du lundi au vendredi de 9 à 5, je sais à quel point la nature peut être apaisante. Passer une journée ou une nuit en plein air peut nous remettre d’aplomb avant de reprendre le collier au bureau le lundi matin; on sent se dissiper tout le stress de la semaine précédente.

Les réseaux sociaux, les téléphones intelligents et les autres technologies ont créé de l’isolement dans notre société. Mais en passant du temps en plein air, on peut créer notre propre communauté et établir des liens véritables avec les autres.

C’est ce que j’admire à propos du Grand Sentier du Canada. En plus d’un sens, l’accessibilité du Sentier à l’intérieur des collectivités permet aux gens d’utiliser le Sentier sans avoir à se rendre loin ni à vivre une expérience extrême ou inconfortable.

On peut s’en servir pour traverser de vastes régions du Canada (comme je le ferai avec Jacqueline L. Scott à l’occasion de notre Black Canada Hike), mais on peut aussi s’en servir pour se rendre au travail, tout simplement.

Nous appartenons tous à cette terre, et chacun d’entre nous devrait pouvoir en profiter. J’espère qu’en utilisant Le Grand Sentier, je saurai en inspirer d’autres à faire la même chose.

 

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