Le fatbike: comment retomber en enfance
Texte et photos par Ryan Draper
Le vélo, j’en mange. Ma vie entière tourne autour du vélo; c’est comme ça depuis 26 ans, et je doute que ça change sous peu. Mais comme je vis en Alberta, j’ai toujours dû mettre en veilleuse ma passion pour le cyclisme quelques mois chaque année puisque le cycle des quatre saisons m’obligeait jusqu’ici à me contenter d’autres activités. Le froid des mois d’hiver me condamnait à pédaler à l’intérieur sur un vélo stationnaire pour avoir ma dose et, si je voulais prendre un peu d’air, la neige ne me laissait guère d’autres choix que la raquette et le ski de fond.
Mais soudainement, tout a changé. C’était une journée froide de l’hiver 2012. La neige poussée par le vent tombait presque à l’horizontale. Je m’affairais à élaborer une nouvelle séquence d’entraînement sur mon vélo stationnaire lorsque c’est arrivé: j’ai découvert le fatbike. Ce type de vélo à pneus surdimensionnés – on parle d’une largeur de 97 mm ou plus – est conçu pour rouler hors-piste sur terrain meuble ou instable comme le sable, la boue, les marécages et, vous l’aurez deviné, la neige. Près de chez moi, un cycliste en avait ramené un d’Alaska, où ces vélos faisaient fureur, et me l’a prêté le temps d’un court essai. J’ai basculé dans l’enfance immédiatement, goûtant de nouveau la sensation grisante que j’avais eue la toute première fois que je m’étais éloigné de la maison sur mes deux roues; sourire fendu jusqu’aux oreilles, je retrouvais ma liberté d’enfant. J’ai tout de suite été accro, et je n’ai pas décroché par la suite.
Depuis, j’ai accumulé les kilomètres par milliers sur des fatbikes; j’ai fait des courses, mis sur pied des centaines d’excursions, passé des heures à damer et à aménager des pistes, et vendu des centaines de fatbikes à des gens qui, comme moi, cherchaient à revivre cette même liberté enfantine. À l’image d’un prédicateur, je chante les louanges du fatbike et je m’entends régulièrement dire que je m’entraîne tout l’été… en vue de la saison de vélo à roues surdimensionnées!
Quand les gens me posent des questions à propos du fatbike, je fais de mon mieux pour leur offrir un point de vue objectif sur le sujet. Les cyclistes expérimentés croient souvent, à tort, que de rouler avec des pneus surdimensionnés revient plus ou moins à la même chose que de rouler à vélo, l’été, sur des pistes de terre ou sur des routes. Pour bien profiter d’une expérience en fatbike, il est essentiel d’avoir une approche minimaliste et de tenir compte, comme on le ferait pour une excursion en ski, des conditions météo et de l’état de la neige.
Alors? Par où on commence quand on s’intéresse au fatbike?
Mon premier conseil serait de louer, plutôt que d’acheter, un vélo à pneus surdimensionnés pour les quelques premières fois. Les vélos diffèrent d’un modèle à l’autre et, forcément, certains vous sembleront plus confortables. Par ailleurs, cela vous permettra de tester des modèles des deux catégories principales: randonnée et course. Même si vous ne prévoyez pas faire de la course, vous pourriez très bien apprécier davantage les modèles plus courts et plus ludiques que sont les fatbikes de course.
Pour votre première expérience, il serait très utile que vous partiez avec quelqu’un qui a l’habitude du fatbike et qui pourra vous guider dans le choix des vêtements à porter, la gestion de vos attentes, l’analyse des conditions neigeuses et la sélection d’un trajet. Vous éviterez ainsi de vous en imposer plus que vous ne pourriez en prendre, ou même de vous égarer en route. Le conseil le plus important que j’ai à offrir aux débutants est de repérer près de chez eux une section aisée du Grand Sentier, puis de l’explorer dans toutes les directions; évoluer sur des pistes plus exigeantes comme la section des Rocheuses sur le Grand Sentier, dans Kananaskis Country, peut donner du fil à retordre même aux plus habitués.
Choisir une tenue plus légère pour les températures extérieures peut également donner un bon coup de pouce. Pédaler en fatbike exige de grands efforts physiques, donc on a chaud très rapidement; on risque alors d’être trempé. Et puisque la chaleur corporelle descend plus vite lorsqu’on est mouillé, il est plus sécuritaire – et plus confortable! – de rester au sec le plus possible.
Dans le même ordre d’esprit, toute cette dépense énergétique et cette transpiration sont d’excellentes raisons de prévoir des collations et de quoi s’hydrater. Un sac à dos de petit format vous permettra de transporter liquides et en-cas en leur évitant de geler, et vous pourrez également vous en servir pour ranger des couches de vêtements que vous enlèverez probablement en cours de route.
En terminant, il faut retenir que le vélo à pneus surdimensionnés offre toute une variété d’aventures et que la météo, les conditions de neige, le moment de la journée, les vêtements que vous aurez choisi d’enfiler et le sentier sur lequel vous roulerez ne sont que quelques-uns des facteurs qui influenceront votre expérience de fatbike. En gardant cela en tête, les amateurs de plein air qui ont une bonne faculté d’adaptation et qui apprécient l’hiver ont toutes les chances de retomber en enfance!