Le Sentier Transcanadien de Bonnie : la sécurité sur le Sentier
Traduit du texte en anglais de Bonnie Thornbury
« Vous marchez?!… à travers le pays!?… sans personne pour vous accompagner!? »
Si on me donnait deux dollars chaque fois que j’entends cette phrase, j’aurais plus que suffisamment d’argent pour acheter quelques paires de chaussures de randonnée… qui coûtent de plus en plus cher! (L’inflation liée à la pandémie touche tous les portefeuilles… et les souliers!) Le fait de traverser un pays aussi vaste que le Canada à pied suffit pour provoquer quelques froncements de sourcils. Mais quand on ajoute qu’on le fait sans personne pour nous accompagner, les gens ne se gênent pas pour montrer leur étonnement. C’est une réaction qui se comprend facilement. La plupart des gens se demandent comment prévoir tous les problèmes de sécurité qui peuvent surgir. En fait, la sécurité doit être abordée étape par étape, comme le Sentier lui-même.
Tout d’abord, pour rester en sécurité sur le Sentier, il faut évaluer les dangers éventuels et accepter qu’il existe un certain degré de risque. La centaine de visites de la page Wikipédia qui traite des attaques mortelles d’ours survenues au cours des dernières années sont toutes les miennes. Tard dans la nuit, entre les minces parois de nylon de ma tente, je lisais et relisais la liste d’occurrences, à la recherche de situations, d’endroits ou de formes de provocation que je pourrais éviter. Voici la version courte de ma longue analyse : il n’existe aucune tendance claire, mais le nombre d’attaques d’ours par rapport aux personnes qui pratiquent des activités de plein air est incroyablement bas.
Néanmoins, il est toujours bon de se préparer à affronter les ours ou d’autres grands prédateurs. Ainsi, je garde un petit couteau de chasse à portée de main et un chasse-ours sur ma hanche pendant que je marche. Chaque soir, je place mon couteau et mon chasse-ours au même endroit dans ma tente, ce qui me permettrait de les atteindre rapidement au cas (improbable) où je devrais m’en servir. Les bâtons de randonnée sont une autre mesure de sécurité. Ils me permettent de garder une certaine distance avec les prédateurs… ou, plus précisément, le petit nombre de chiens de compagnie turbulents que j’ai rencontrés.
En ce qui concerne la sécurité, il est important de s’y préparer en acquérant les compétences et les connaissances nécessaires en matière de nature sauvage, comme les « dix mesures essentielles » (en anglais) ou en sachant quels matériaux restent chauds lorsqu’ils sont mouillés, comment s’orienter dans l’arrière-pays ou comment trouver de l’eau en cas de pépin. Il est possible (et nécessaire!) d’en apprendre beaucoup en lisant des livres et des blogues, en écoutant des balados ou en suivant des randonneurs sur les médias sociaux, mais l’expérience demeure une excellente méthode d’apprentissage! Pour rester en sécurité de manière responsable, informez-vous du mieux que vous le pouvez avant de partir, mais n’ayez pas peur d’apprendre en chemin. Même avec dix années d’expérience et des milliers de kilomètres de randonnée à mon actif, j’ai appris à la dure l’importance de camper loin de l’eau par des températures inférieures à zéro, après avoir grelotté des nuits durant dans ma tente au bord d’étangs pittoresques à Terre-Neuve. Parfois, il vaut mieux opter pour des sites moins pittoresques!
Certains dangers sont plus insidieux que d’autres. Dans les Cascades, j’ai, sans m’en douter, sorti une tique de mes cheveux en me peignant à la fin d’une longue journée. J’ai eu peur, mais j’ai puisé dans mes connaissances pour rester calme. J’ai réussi à me rappeler que moins de 1 % des tiques en Colombie-Britannique sont porteuses de la maladie de Lyme. Je l’ai trouvée avant qu’elle ne me pique (quelle chance!), mais je savais comment retirer une tique qui se serait accrochée à ma peau et j’avais sur moi ce qu’il fallait pour le faire. Pas de stress!
Rester en sécurité, c’est aussi être conscient des problèmes inoffensifs qui peuvent s’aggraver – ampoules aux pieds, bactéries, intoxication alimentaire, déshydratation, coups de soleil, pied de tranchée – et savoir comment les gérer. Traitez toujours votre eau et votre corps!
Même avec un maximum de planification, il est impossible de prévoir toutes les situations et de s’y préparer. Avant de partir, j’ai lu plusieurs fois le livre Don’t Get Eaten: The Dangers of Animals that Charge or Attack (un livre sur les animaux qui peuvent charger ou attaquer), mais il ne m’a pas été d’une grande utilité lorsque j’ai dû me réfugier en haut d’un arbre pour échapper à un taureau en furie qui haletait et piaffait. Il semble que l’auteur du livre n’ait pas considéré les animaux domestiques comme pouvant être dangereux, et pourtant j’étais là, dans un arbre, sans nulle part où aller! J’ai dû faire preuve de beaucoup de patience jusqu’à ce qu’un chien de fermier très énergique, mais étonnamment petit, fasse fuir le taureau.
À une autre occasion, je me suis cassé le pied alors qu’il ne me restait que 30 kilomètres avant d’avoir parcouru la totalité de Terre-Neuve! Puisque je marche, ce qui est une activité à faible impact, je n’ai jamais pensé qu’une fracture pose un risque éventuel. Heureusement, sur le Sentier Transcanadien, il y a toujours quelqu’un qui n’est jamais bien loin pour vous prêter main-forte. Si vous vous trouvez dans ce type de situation, il y a de fortes chances que vous n’ayez pas à attendre longtemps pour qu’un ange du Sentier vous donne un coup de main ou vous aide à vous rendre à destination, même si vous devez le faire en boitant.
Un dispositif pour envoyer un SOS est indispensable, que vous fassiez vos randonnées en solo ou en groupe, en terrain connu ou inconnu. Les dispositifs SPOT ou Garmin inReach sont tous deux de bonnes options. Ils peuvent également permettre à d’autres de suivre votre progression en temps réel. Mes deux « gardiennes » (ma mère et ma sœur) qui, depuis leur fauteuil chez elles, veillaient sur ma sécurité adoraient suivre ma progression sur la carte, et j’aimais bien pouvoir avancer l’esprit tranquille en sachant qu’elles me suivaient à la trace.
Il est également indispensable d’avoir sur soi des cartes de formats différents. Pour moi, à l’ère du numérique, cela signifie utiliser les cartes de Sentier Transcanadien et de Garmin inReach avec deux autres cartes, téléchargées sur deux appareils différents, et un bloc-pile de secours. Disposer de plusieurs applications de cartes peut être une véritable bouée de sauvetage : il arrive que certaines fonctionnalités d’une application ne s’affichent pas sur une autre. Lorsque vous êtes mal pris, il est bon de comparer les cartes pour déterminer à l’avance où se trouvent les points qui vous permettent de sortir du Sentier pour retrouver la grande route!
Je m’en voudrais de ne pas mentionner le danger que peuvent poser les étrangers. Il peut être difficile de croire que lorsque l’on croise d’autres randonneurs, on reste en sécurité et que ces personnes seront heureuses de faire notre rencontre. Ce sentiment est exacerbé par nos propres identités croisées visibles et invisibles. Pour moi, cela signifiait faire de la randonnée en tant que personne visiblement blanche et « non visiblement » queer, souvent perçue comme une femme. Dans certains contextes, ces identités augmentent mon sentiment de sécurité sur le Sentier : même si tout le monde doit être traité avec gentillesse et respect, le fait d’être blanche et perçue comme une femme peut faire en sorte que les gens soient plus gentils avec moi et prêts à m’aider. Mais dans d’autres contextes, être perçue comme une femme seule faisant de la randonnée peut davantage m’exposer à une attaque.
En tant que personne non binaire, l’identité de genre s’est révélée un sujet complexe sur le Sentier. J’ai réalisé qu’étonnamment, ce n’est pas tout le monde qui connaît les pronoms non binaires, et que certaines personnes n’acceptent pas du tout cette réalité. Mais, dans de petites villes où je croyais que les gens auraient une opinion plus arrêtée, j’ai également eu la surprise de rencontrer des personnes qui m’ont raconté comment leurs enfants sont sortis du placard et, entre autres, l’histoire d’une personne en processus de transition qui a reçu du soutien de l’entreprise d’exploitation minière pour laquelle elle travaillait alors que cette entreprise a décidé d’informer tout son personnel sur le processus transitionnel.
Aux alentours de Nelson, en Colombie-Britannique, j’ai commencé à porter un badge sur lequel il était écrit « iel ». Au début, l’idée que cette information puisse mettre ma sécurité en péril m’inquiétait un peu. Au contraire, j’ai découvert que cela m’aidait à identifier les personnes dignes de confiance et à tenir avec davantage d’assurance des conversations sur l’identité de genre. Quatre-vingt-dix pour cent des personnes qui m’ont parlé du badge avaient déjà été exposées au genre non binaire et manifestaient leur appui. Les 10 % restants se sont montrés plutôt curieux et ouverts. Un grand nombre de personnes que j’ai rencontrées m’ont envoyé un message pour me dire qu’elles réfléchissaient à la question de l’identité de genre d’une manière différente.
Je reconnais que ma « peau blanche » et la possibilité de cacher les parties non visibles de mon identité qui pourraient mettre ma sécurité en péril dans le monde constituent un énorme privilège. Si vous n’avez pas la chance de vous sentir en sécurité dans la société canadienne, faites preuve d’indulgence envers vous-même lorsque vous n’avez pas le goût de faire des efforts pour discuter, et profitez de la belle surprise lorsque vous rencontrez des personnes ouvertes d’esprit ou conscientisées que vous n’auriez peut-être pas cru capables de l’être. Si vous avez la chance de vous sentir en sécurité, mettez-vous au défi de trouver des moyens d’aider les autres à ressentir un peu de cette sécurité. Comme le dit Judith Kasiama, grande bâtisseuse de communauté, membre du conseil d’administration de Sentier Transcanadien et fondatrice de Colour the Trails : « La communauté commence par une invitation! ». Sur le Sentier, même un simple sourire peut faire beaucoup de bien.
Avant tout, faites-vous confiance et faites ce qui vous semble sûr à ce moment! Si le fait de camper loin du Sentier (comme je l’ai fait pendant toute la durée de ma randonnée de la Colombie-Britannique à l’Ontario) vous semble plus sécuritaire, faites-le! Si vous vous sentez en sécurité en vous cachant derrière un buisson pour éviter les gens, cachez-vous! Il n’y a pas de honte à ressentir un peu de nervosité alors que vous apprenez à connaître votre environnement. Au cours des six premiers mois de mon voyage, j’ai planté ma tente dans les endroits les plus bizarres pour que les passants ne puissent pas me voir. Être invisible me semblait plus sûr. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus à l’aise sur le Sentier. Le nombre et la diversité d’êtres humains que j’ai rencontrés sur le Sentier m’ont donné confiance, à la fois dans ma capacité à évaluer les situations et dans la bonté honnête de la majeure partie de l’humanité.
Tout bien considéré, pour rester en sécurité sur le Sentier, voici mes conseils : repérez tous les dangers éventuels, planifiez autant que vous le pouvez, commencez lentement en misant sur ce que vous connaissez, faites toujours confiance à votre instinct, n’ayez pas peur de demander de l’aide et évitez de trop réfléchir! On peut et on doit se préparer, mais on ne peut pas se préparer à tout, et une fois qu’on apprend à connaître la nature, elle est beaucoup moins effrayante qu’on se l’imaginait!
Vous voulez en apprendre davantage? Gardez un œil sur cette page pendant les mois à venir alors que je partagerai des moments forts, des conseils de sécurité, la magie des sentiers et l’expérience d’affronter le Sentier à vélo après s’être brisé le pied! Vous pouvez également suivre mes histoires sur Instagram (@bonnbury, en anglais seulement). Au plaisir de vous voir dehors!