15 octobre 2025

Opinion : Pour bâtir une nation, il faut plus que de l’acier — pourquoi les sentiers ont leur place dans les plans d’infrastructure du Canada

Cyclists and pedestrians riding around Stanley Park in Vancouver.

Cette chronique d’opinion a été rédigée par Mathieu Roy, Chef de la direction de Sentier Transcanadien, et a été initialement publiée sur le site Web National Newswatch (en anglais).

La première série de projets d’intérêt national du premier ministre Mark Carney mise fortement sur l’énergie et l’extraction minière : doubler de la production de GNL à Kitimat, construire des petits réacteurs modulaires en Ontario, agrandir le port de Montréal et ouvrir de nouvelles mines de cuivre et d’or en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Ensemble, ils devraient générer des dizaines de milliers d’emplois et 60 milliards de dollars d’activité économique. Ce sont des projets importants qui peuvent rapporter gros. 

Mais l’intérêt national ne réside pas seulement dans l’acier, le béton et la capacité d’exportation. Si nous voulons des infrastructures qui soutiennent véritablement la population canadienne, nous devons nous intéresser non seulement aux ressources que nous envoyons à l’étranger, mais aussi à ce qui maintient les personnes et les communautés en bonne santé ici, chez nous. Le premier ministre lui-même nous a rappelé la valeur des sentiers au début du mois de septembre, quand il a terminé une course à pied de 26 kilomètres sur le sentier Haliburton Forest. La course a mis en lumière le fait que les sentiers fonctionnent déjà comme des infrastructures : ils font partie de réseaux soigneusement conçus et entretenus qui offrent des avantages mesurables sur les plans économique, environnemental et social. Même s’ils ne font peut-être pas les gros titres de la même façon que les projets énergétiques d’un milliard de dollars, les sentiers procurent des bienfaits tout aussi réels, et souvent plus largement partagés. 

D’un point de vue économique, les sentiers sont des poids lourds. Le Sentier Transcanadien soutient plus de 220 000 emplois par an, tout en générant 13 milliards de dollars en dépenses directes. Le tourisme, les pourvoiries et les petites entreprises de chaque province et territoire dépendent de cet argent. Si l’on ajoute à cela 1,7 milliard de dollars d’économies annuelles en soins de santé et 62,6 millions de dollars d’économies en santé mentale associées à l’utilisation des sentiers, il ne fait aucun doute que les investissements dans les sentiers ne sont pas seulement symboliques, ils sont aussi judicieux d’un point de vue fiscal. 

Sur le plan environnemental, les sentiers constituent une infrastructure naturelle. Les espaces verts qui les entourent préservent l’habitat et les corridors interreliés d’une variété d’espèces. Ils réduisent le risque d’inondation en absorbant les précipitations et en ralentissant le ruissellement et capturent le carbone qui, autrement, contribuerait au réchauffement. Dans les villes, les corridors de sentiers agissent comme des systèmes de refroidissement naturels; ils abaissent les températures locales et offrent de l’ombre pendant les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. Une évaluation récente a attribué à ces avantages combinés une valeur de 82 millions de dollars par an, ce qui prouve que les sentiers fournissent des services que les gouvernements devraient autrement financer au moyen de solutions techniques coûteuses. Ils constituent également le principal moyen pour de nombreux Canadiens et Canadiennes de se rapprocher de la nature – et ce lien est souvent le fondement d’une gestion durable de l’environnement. 

Et lorsqu’il s’agit de bâtir une nation, peu de projets le font aussi efficacement. Le Sentier Transcanadien relie les littoraux, les prairies, les forêts et la toundra; c’est un projet civique ancré dans l’accès à la nature, que la plupart des Canadiens et Canadiennes considèrent comme étant partie intégrante de notre identité commune. En fait, 94 % des personnes interrogées dans le cadre d’un récent sondage estiment que les sentiers sont essentiels à rendre la nature accessible. Si les infrastructures sont destinées à nous relier, les sentiers incarnent déjà ce principe de la manière la plus concrète qui soit.

M. Carney a appelé à l’accélération et à l’ambition en ce qui concerne la plus récente série de projets de construction nationale. Les deux sont les bienvenues. Mais le véritable test est de savoir si nous pouvons bâtir de manière à accroître la prospérité tout en protégeant les fondements écologiques et culturels dont dépend cette prospérité.

Le Sentier Transcanadien peut aider; c’est un rare exemple d’infrastructure peu coûteuse et à fort impact. En termes simples, le financement fédéral du Sentier catalyse les dons privés ou les fonds provenant d’autres sources. En ce moment même, nous le voyons à l’œuvre sur le Don Valley Trail de Toronto, où les 150 000 dollars investis dans le Sentier ont permis de générer 14 millions de dollars pour l’agrandissement des infrastructures, des itinéraires pour les déplacements quotidiens et l’accès à la nature dans la plus grande ville du Canada. Ici, des investissements modestes dans les réseaux de sentiers ont un effet direct sur trois fronts à la fois. Ils stimulent l’activité économique dans les petites et les grandes communautés, renforcent la résilience environnementale et consolident les liens sociaux qui rendent le Canada plus cohésif. Peu de projets peuvent prétendre à un rendement aussi élevé pour les sommes dépensées.  

Un réseau national de sentiers est un excellent exemple d’infrastructure consolidatrice de notre nation. Alors que le gouvernement s’apprête à présenter le budget, nous ne pouvons pas perdre de vue les autres infrastructures essentielles qui soutiennent notre santé, renforcent nos communautés et définissent notre identité en tant que pays.