31 octobre 2025

Opinion : Les pistes cyclables sont une infrastructure publique essentielle, et non un instrument politique

Mathieu Roy, chef de la direction de Sentier Transcanadien, explique pourquoi les infrastructures de transport actif devraient aller au-delà des clivages partisans. 

Ce n’est pas un secret, les personnes élues et celles qui se présentent aux élections sont contraintes de naviguer une population de plus en plus polarisée. Mais qu’arrive-t-il lorsque les questions polémiques font obstacle au vrai progrès? 

Prenez, par exemple, les nombreuses discussions animées sur les pistes cyclables qui ont lieu partout au pays. Ce qui aurait dû être une simple discussion sur leur sécurité, leur efficacité et leur conception est plutôt devenu un point de tension politique. 

À l’heure actuelle, l’entièreté de la province de Québec est plongée dans une campagne électorale municipale, et les pistes cyclables sont devenues un sujet central du débat politique. Mais, bien entendu, cet enjeu est loin d’être unique au Québec. 

Partout au Canada et aux États-Unis, l’opinion publique a tendance à voir les infrastructures cyclables comme un symbole de division et non de progrès. Mais lorsque cette conversation devient un débat « automobilistes contre cyclistes », le problème n’est pas abordé et nous perdons l’occasion d’en parler. Avoir des infrastructures dédiées au transport actif, ce n’est pas un projet idéologique, c’est une façon de permettre à nos communautés d’être plus en santé, dans tous les sens du terme. 

Pendant des dizaines d’années, les rues nord-américaines ont été conçues presque exclusivement pour les voitures. Pourtant, ce n’est pas tout le monde qui conduit, et de nombreuses personnes laisseraient volontiers la voiture à la maison, si elles se sentaient assez en sécurité pour marcher, faire du vélo ou utiliser leur appareil d’assistance à la mobilité. Investir dans des infrastructures pour les piétons et les cyclistes, ce n’est pas une question de privilégier un mode de transport plutôt qu’un autre. C’est une question de partager les espaces publics et de créer un avenir où tout le monde a le choix. 

Des villes partout dans le monde, dont certaines en Amérique du Nord, ont prouvé que, lorsque nos espaces publics ne sont pas uniquement conçus pour maximiser la vitesse de déplacement des automobiles, nous en tirons de nombreux bienfaits. Les réseaux de voies adaptés aux piétons et aux vélos bien conçus attirent plus de personnes dans les commerces locaux, améliorent la sécurité de tous les usagers et usagères et réduisent même les embouteillages, au lieu d’en causer. Après tout, toutes les études démontrent que la seule façon de réduire le trafic est de diminuer le nombre de voitures sur la route.  

Chez Sentier Transcanadien, nous voyons les bienfaits du transport actif tous les jours. Les communautés qui sont bien desservies par un réseau de sentiers, dont plusieurs incluent des pistes cyclables, jouissent d’une meilleure santé publique, bénéficient des bienfaits environnementaux et voient leur économie croitre. À l’échelle du pays, ces bienfaits équivalent à des milliards de dollars chaque jour. 

Alors que le débat s’attarde en grande partie sur des idées dépassées comme « à qui appartient la route », la réalité est plutôt que les préférences en matière de mobilité changent. Des études ont démontré que les jeunes sont devenus plus susceptibles d’attendre avant d’avoir un permis de conduire ou même de ne pas en avoir du tout. Au Québec, le nombre de jeunes entre 16 et 24 ans qui ont un permis de conduire a diminué de 30 % depuis 1978.  

D’autre part, la manière dont les biens se déplacent à l’intérieur d’une ville change aussi. Des entreprises comme Amazon et FedEx commencent déjà à opter pour des véhicules plus petits et plus agiles, comme des vélos cargos électriques, pour terminer les livraisons, et ce, particulièrement dans les centres urbains.  

Les gens qui s’opposent à de telles infrastructures reviennent souvent sur les dépenses liées à la construction et l’entretien de projets comme les pistes cyclables. Mais les investissements dans le transport actif sont bénéfiques pour l’ensemble de la société et, à long terme, font économiser de l’argent aux municipalités. Pensez aux sommes colossales d’argent public qui sont actuellement consacrées à des infrastructures, comme les autoroutes et les stationnements, qui ne servent qu’aux automobilistes. 

En Amérique du Nord, nous envions souvent l’infrastructure de transport actif européenne en pensant « que ça n’arrivera jamais ici ». Mais nous avons déjà fait du progrès de notre côté de l’Atlantique. Les centres urbains comme Montréal se retrouvent sur la plupart des gros titres. Et avec raison, parce que son réseau de pistes cyclables a connu une expansion de 35 % depuis 2017. Mais même les plus petites collectivités, comme, Saint-Julie au Québec, Squamish en Colombie-Britannique et Canmore en Alberta, voient les avantages d’investir dans l’infrastructure cyclable. 

La question que nous devrions nous poser aujourd’hui n’est pas si nous avons « trop » de pistes cyclables, mais si nous pouvons aller au-delà de ce faux choix binaire entre les « voitures » et les « vélos ». Nos leaders ne devraient pas voir la mobilité comme un jeu à somme nulle, mais comme un défi commun qui demande des solutions communes. 

Il est important que nous continuions à aller de l’avant et que nous ne laissions pas les débats réactionnaires défaire le progrès que nous avons fait. Parce que, lorsque nous facilitons les déplacements sécuritaires et durables pour un plus grand nombre de personnes, tout le monde gagne. 

Une version de ce texte d’opinion a été publiée sur le site Web du Canada’s National Observer (en anglais).