Le Sentier Transcanadien de Jacqueline : une fourche dans la rivière
Écrit par Jacqueline L. Scott (traduit de l’anglais)
Veuillez noter que certains hyperliens sont en anglais seulement.
C’est donc ici que ça va se terminer. La rivière coulait le long de la berge, mouillant doucement la plage de sable beige. Mes doigts jouaient avec l’eau fraîche, créant des tourbillons qui dansaient avant de disparaître. Mes genoux se fatiguaient à force d’être accroupie, ce qui m’obligeait à me lever, à m’étirer et à poursuivre ma promenade le long de la rivière Rouge.
J’en ai appris davantage sur la rivière en parcourant le Sentier Transcanadien à Winnipeg. La rivière Rouge est désignée comme une rivière du patrimoine canadien et elle est étroitement liée à la traite des fourrures. Autrefois, des centaines de personnes pagayaient le long de la voie navigable en canot, échangeant des fourrures et des produits manufacturés, des histoires et des connaissances. Aujourd’hui, en été, ce sont les bateaux de touristes qui sillonnent la rivière.
Sur les pas des commerçants de fourrures
Winnipeg se trouve à peu près au milieu du Canada. Les rivières qui entourent la ville coulent dans les quatre directions, reliant l’ouest à l’est et le nord au sud. La ville de Winnipeg demeure un lieu de rencontre pour les communautés autochtones. À l’époque de la traite des fourrures, c’était une plaque tournante cruciale pour le transport.
En cet après-midi d’automne, les arbres étaient silencieux. La lumière du soleil scintillait à travers leurs feuilles rouges, roses et jaunes. Un junco ardoisé a volé d’une branche jusqu’au sol. Effrayé par un couple de geais bleus plus grands – beaux, mais qui agissaient comme des brutes dans une cour d’école – le petit junco ardoisé s’est précipité dans les arbustes. J’ai alors entendu un concert de klaxons alors qu’une volée de bernaches du Canada a fait son apparition dans le ciel, planifiant sa descente. Les ailes déployées et les pattes étendues, les oiseaux ont plané jusqu’à ce qu’ils se posent doucement sur la rivière.
J’avais besoin de me reposer. Assise sur un banc, j’ai enlevé ma veste et mes chaussures, laissé le soleil inonder mon visage et mes pieds, et bu un thé épicé de mon thermos tout en grignotant une barre de céréales. À l’époque de la traite des fourrures, ça aurait été du pemmican, l’ancêtre des barres d’énergie constitué d’un mélange de viande de bison séchée, de graisse et de baies mûres. C’était l’aliment de base des communautés autochtones pendant des milliers d’années.
Le pemmican est un aliment portable, durable et à haute valeur nutritive. Il est devenu l’aliment principal des voyageurs qui pagayaient dans d’énormes canots remplis de fourrures et de marchandises. Cet aliment était si important qu’il a déclenché des affrontements armés pendant une décennie entre différentes compagnies de traite des fourrures rivales, soit la guerre du pemmican. L’escarmouche des années 1820 s’est déroulée le long de la rivière Rouge.
L’histoire qui fait surface le long de la rivière Assiniboine
Marcheurs, coureurs et cyclistes se partagent le sentier de terre battue. J’ai repris ma marche jusqu’à ce que j’arrive à un embranchement de la voie navigable. Le sentier tournait à droite, longeant la rivière Assiniboine. Je l’ai suivi jusqu’à l’imposante statue en bronze de Louis Riel, qui se trouve derrière les édifices du Parlement. Ce chef métis s’est battu pour les droits de sa communauté et il est l’un des fondateurs du Manitoba moderne.
Un petit bateau se faufilait le long de la rivière. J’ai pensé à Daniel T. Williams faisant du canot sur une rivière du Manitoba en 1873. Il faisait partie des centaines de Noirs qui vivaient dans les Prairies dans les années 1800. Il y avait des commerçants de fourrures, des agriculteurs, des cow-boys et des propriétaires de ranchs noirs. Plus tard, ils ont travaillé dans les chemins de fer comme porteurs de wagons-lits. Rosa Shannon était une agricultrice. Mildred Jane Ware était propriétaire d’un ranch et médecin.
De nombreuses sculptures, peintures murales et mosaïques de buffles (ou bisons) se trouvent dans le parc et le long du sentier qui borde la rivière. J’en ai également repéré lors de mes promenades dans la ville. Chaque fois que j’en voyais une, la chanson Buffalo Soldier de Bob Marley me venait à l’esprit. Autrefois, des millions de bisons parcouraient les prairies. Les fermes, les ranchs et la chasse excessive les ont poussés vers l’extinction, mais aujourd’hui, les bisons sont de retour grâce à des efforts de conservation.
Du Manitoba à Montréal en canot
Je suis retournée au point de départ de ma balade, en remontant la berge, en traversant le parc et en me rendant au marché et aux cafés de La Fourche. Il y avait un grand choix de plats parmi lesquels choisir, et j’ai opté pour un plat sri-lankais, soit un curry de poulet avec du riz.
De retour dans le parc, j’ai observé les chiens de prairie sortir la tête de leur terrier et aboyer entre eux. Ils ressemblaient à de gros écureuils beiges avec de grands yeux de biche. On aurait dit des chiots qui gémissaient.
En me promenant sur un pont, j’ai fait une pause au milieu pour admirer la vue panoramique qui s’offrait sur les rivières qui serpentent à travers la terre, avec les arbres revêtus de leur robe d’automne. J’ai toujours rêvé de parcourir une des principales routes de la traite des fourrures en canot, de Montréal jusqu’au Manitoba. Je veux le faire pour le plaisir et l’aventure, mais aussi pour renouer avec l’histoire des Noirs et des Autochtones le long de la route. L’essai pilote aura lieu l’année prochaine, et le voyage se terminera ici, à La Fourche, au point de rencontre des rivières Rouge et Assiniboine.
Jacqueline L. Scott est une chercheuse, écrivaine et activiste pour la race et la nature. Elle est candidate au doctorat à l’université de Toronto. Sa thèse s’intitule Being Black outdoors: The perception of the wilderness in the Canadian imagination (Les personnes noires et le plein air : la perception de la nature sauvage dans l’imaginaire canadien). Suivez-la sur son blogue et sur Instagram @Blackoutdoors1.